Episode Transcript
[00:00:00] Speaker A: Le balado que tu t'apprêtes à écouter, tu peux pas l'entendre ailleurs. C'est une exclusivité.
[00:00:13] Speaker B: Bienvenue dans la deuxième partie de notre grande émission consacrée à la main d'oeuvre au capital humain. Dans la première chronique, on a parlé un peu du capital humain, la vraie richesse d'un pays.
Mais maintenant, j'aimerais répondre à une question fondamentale.
Pourquoi le Canada dépend autant de l'immigration? Et surtout, comment cette dépendance est-elle née?
Pour comprendre un peu le présent, il faut faire une régression, il faut retourner dans l'histoire. Et l'histoire canadienne, depuis ses débuts, est intimement liée à l'immigration.
Quand on regarde une carte, le Canada est le deuxième plus grand pays du monde, mais avec une population plus petite que celle de la Californie.
Au moment de la Confédération en 1867, le pays comptait 3,4 millions d'habitants et la priorité absolue du gouvernement était simple, peupler le territoire. Pourquoi ? Pour, en fait, bien évidemment, construire l'économie, pour étendre la présence politique, pour protéger le territoire et pour créer les infrastructures.
Donc, dès le début, Ottawa adopte une stratégie claire, attirer la main d'œuvre.
Pour connecter l'Est et l'Ouest, il fallait un projet titanesque, le chemin de fer national, qui a construit ce chemin de fer.
Des milliers de travailleurs immigrés, notamment des Chinois, des Ukrainiens, Irlandais, Écossais.
On estime qu'entre 1880 et 1920, plus de 400 000 immigrants européens sont arrivés pour travailler dans les fermes, les mines et le rail.
Sans cette main-d'œuvre étrangère, le Canada n'aurait jamais pu relier le Vancouver à Montréal.
C'est un chapitre brutal, surtout pour les travailleurs chinois maltraités.
Mais c'est vraiment la réalité. Le Canada moderne s'est littéralement construit grâce à l'immigration.
Après la Seconde Guerre mondiale, le Canada entre dans une période de croissance. Une période de croissance extraordinaire.
Les usines tournent, le commerce explose, les infrastructures se multiplient. Mais il manque bien évidemment quoi ? Il manque de la main-d'œuvre.
Alors le gouvernement ouvre massivement les portes à l'immigration européenne, comme l'italien, le portugais, les grecs, les polonais, les français, les britanniques. Et entre 1900 à 51-61, le Canada accueille plus d'un million d'immigrants, un record à l'époque.
C'est cette génération d'immigration qui a bâti Coa, qui a bâti les routes, qui a bâti les ponts, qui a bâti les hôpitaux, les quartiers de Montréal, les quartiers de Toronto, Vancouver.
C'est aussi elle qui a créé des milliers de petites et moyennes entreprises familiales, encore vivantes aujourd'hui.
On oublie souvent les restaurants portugais, italiens, grecs qu'on connaît.
Ce sont les descendants de cette vague.
Et avant 1971, il faut le dire, l'immigration était basée sur des critères ratios et culturels.
Mais Pierre Elio Trudeau change tout.
Le Canada devient le premier pays du monde à adopter officiellement le multiculturalisme.
À partir de là, le pays ouvre ses portes. À qui ? Il ouvre ses portes à l'Asie, l'Afrique du Nord, le Moyen-Orient, l'Amérique latine.
C'est ce tournant qui explique pourquoi aujourd'hui, Toronto est l'une des villes les plus multiculturelles du monde, avec plus de 50% de sa population née à l'étranger.
Et à partir des années 1990, les économistes sont à l'alarme. L'éveillissement de la population est rapide.
Le taux de fécondité baisse et la croissance économique dépend de plus en plus de la main d'œuvre étrangère. Alors que le Canada prend une décision stratégique très forte, qui est d'utiliser l'immigration comme étant un moteur économique principal.
Je peux même annoncer quelques chiffres.
En 1971, 15% de la population était née à l'étranger. En 2021, 23%. En 2036, on tiendra probablement 30%. Toronto, Vancouver, Calgary dépassent déjà 40 à 50%. Et c'est assumé, comme le disait le ministre de l'Immigration en 2019, sans immigration, le modèle canadien tel qu'on le connaît, santé publique, éducation, infrastructure, n'est plus viable.
Il y a des secteurs entiers où l'immigration n'est pas juste utile.
Elle est indispensable. Quand, par exemple, je peux dire la construction.
Les maisons, les ponts, les tours, les routes, environ 30% des travailleurs du secteur sont nés à l'étranger.
À Toronto, par exemple, c'est près de 50%. Et en ce qui concerne l'hôtellerie, la restauration et l'hôtellerie, c'est les travailleurs étrangers, une grande partie des restaurants du pays fermerait.
Et pour le secteur de l'IT, par exemple, la technologie, à Toronto, 40% des travailleurs de IT sont des immigrants.
À Vancouver, c'est la même chose, c'est même 45%. Mais pour la santé, C'est le secteur le plus frappant.
Un, une infirmière sur quatre au Canada est née à l'étranger.
37% des médecins n'ont pas fait leur formation au Canada.
Et pourtant, ce sont eux qui tiennent le système de vie.
Quand on pense au Canada aujourd'hui, on pense à quoi? On pense à la diversité.
On pense à l'ouverture, multiculturalisme, la cohabitation pacifique.
Mais cette identité n'est pas naturelle.
Elle a été construite politiquement et économiquement sur ses cantons. Et surtout, elle a été construite parce que l'économie avait besoin.
Et puis, les gouvernements successifs, conservateurs même, comme libéraux, ont tout compris la même chose.
Sans l'immigration, le Canada n'a pas assez de travailleurs pour rester un pays développé.
Entre 2016 et 2022, 9 emplois sur 10 ont été comblés par des immigrants.
Ce chiffre est vraiment fondamental.
Il veut dire que le système de santé canadien n'existe pas grâce aux immigrants, que les chantiers avancent grâce aux immigrants, que les usines fonctionnent grâce aux immigrants, que les entreprises recrutent grâce aux immigrants, que le veillissement de la population est compensé uniquement grâce à eux.
Eux, qui ? Eux, grâce aux immigrants. C'est la réalité économique. Il n'y a pas vraiment un débat.
Alors, aujourd'hui, quand on entend des discours disant « le Canada accueille trop d'immigrants », il faut remettre les choses en perspective.
Le Canada est un pays qui a été construit, reconstruit, développé, modernisé, soutenu par l'immigration, génération après génération. Ce n'est pas un phénomène nouveau.
C'est une constante historique.
Et vraiment, j'aimerais bien, dans les prochaines chroniques, qu'on va aller encore plus loin.
Pourquoi les immigrants sont essentiels au marché du travail actuel ? Pourquoi il y a des pénuries partout ? Est-ce qu'il y arriverait économiquement si on fermait les portes ? Alors on se retrouve dans la troisième chronique, juste après la pause, et bien sûr après une pause musicale, sur les antes de Sefa 88.3. A toto !
